La mémoire des autres, les petites choses

Grandes et fortes sont les émotions que l’on peut ressentir en travaillant avec un public malade de la mémoire. Il faut parfois savoir se protéger pour ne pas se faire plus de mal que de bien, mais dévoiler ses émotions est, selon les situations, plus que bénéfique pour le résident.

On commence par l’accueillir, prendre connaissance de son histoire de vie, de son passé, souvent lourd. On se laisse quelques jours pour que les deux parties s’apprivoisent.
En tant que soignant on observe, on analyse, on tire des trajectoires hypothétiques dans tous les recoins de notre cerveau.

Une fois ce moment passé, il est temps de rentrer dans le vif du sujet, l’équipe met des choses, des petites choses, en place. Le matin les soins d’hygiène se déroule à 99 % de la même façon, une cohésion partagée par l’équipe.
On répète souvent les mêmes choses, à des moments bien précis.
Tous les soirs le résident ferme ses volets, va dans la salle de bain pour se mettre en pyjama et est libre par la suite de se coucher ou non. Tous les soirs ce rituel est là, tous les soirs il permet à la personne malade de la mémoire de se repérer.

À chaque repas il lui est proposé de l’aide pour couper sa viande, à chaque repas il lui est rappelé son prénom, son nom, afin qu’il se reconnaisse encore et toujours, à chaque repas il reproduit les mêmes gestes, les habitudes sont là et le soignant doit modeler son prendre-soin autour de ce socle que lui offre les capacités résiduelles du résident.

Petit à petit le résident s’ouvre, il y aura toujours des hauts et des bas, mais globalement il s’ouvre et surprend.

Les discussions deviennent un peu plus poussées, les éléments perdus resurgissent parfois, il faut alors mettre ce petit trésor de côté pour le couver, le travailler et l’amener, si possible, à maturité.

La personne vit un peu plus, sort, parle, s’habille, mange seule. Les échanges sont parfois d’une drôlerie impressionnante et c’est cela le travail du soignant. Travailler autour de la personne, avec la personne, prendre soin et non soigner (car celà est impossible), respecter les envies/refus de la personne pour qu’elle puisse vivre dignement. Et surtout, semer perpétuellement des petites choses, des petits riens, qui, sait-on jamais, avec le temps pourraient bien donner de grands résultats.

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