La mémoire des autres, le chemin

La personne entre en EHPAD, les troubles sont là, indéniables et lourds à porter. Le chemin menant à la fin a encore de beaux moments d’extases s’il y prend le temps. Ses mots sont importants, jamais dénués de sens, la grammaire est peut être étrangère et pourtant, il y a quelque chose, une étincelle, toujours.

Faudrait qu’on y pzsse voir la mère tarabette pour récupérer les pal, les bal, les tal, rahhh qu’on y… vas-y mon gars voilà, c’est bien et pouf tac le ouaaaais. Là là tu veux.

L’entrée agit souvent comme un accélérateur des troubles, perturbant les repères établis ainsi que les moyens de défenses/dénis mis en place tant bien que mal. La personne (faut-il rappeler qu’un malade reste avant tout une personne avec sa conscience, ses envies, ses besoins…) sombre rapidement et un palier est vite atteins. Les troubles accentués, non assimilés se répercute souvent en agitation, irritabilité ou tristesse infinie.

En fait, vous avez besoin de me sécuriser.

Les aidant en prennent encore un coup dans la tronche, eux qui morflent tant à s’occuper de leur parent sans trop de formations et avec toute leur vie à côté. L’abandon, la trahison sont ressentis à l’entrée en EHPAD. Le chemin ne s’arrête non plus pour eux et il est encore possible de provoquer de la joie et des émotions fortes avec/envers leur parent. La dégénérescence est là, il n’y a pas de compte à rebours précis, seul de vagues estimations sur les différents paliers hypothétiquement possibles.

L’humour, lui, toujours lui, joue un rôle thérapeutique des deux côtés. Il permet de décrocher, de se raccrocher, d’évacuer ou canaliser, de parler ou provoquer, de rire ou pleurer.

Le soignant doit voir tout cela, s’oublier pour permettre d’être l’ombre des malades. Essentiellement derrière ou sur le côté, rarement devant. Il n’est que l’amorceur d’un cerveau désamorcé, l’enchanteur d’une vie désenchantée. Tantôt raccrochant à la réalité (les pleurs ne sont pas une maladie ou une faiblesse), tantôt plongeant dans le surréalisme de la démence. Façonneur de chemin, il le pave avec amour, dévouement, passion pour que jamais le malade, instable, changeant, ne tombe ou s’égare.

Oeuvrer autour de la personne, s’articulant pour l’aider à vivre au mieux, comme il l’entend, sa vie. Faire fit des conventions du monde extérieur, créer un univers où se mélangent de multiples nébuleuses, toutes uniques, pouvant se mouvoir dans un même sens par moment, comme briller ou s’éteindre dans un coin tranquille.

Vivez, aimez, et observez.

Mon Vieux - Docu

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