La mémoire des autres: La confiance

Travailler en EHPAD, je me répète encore et toujours, est une chose formidable. On accompagne des personnes sur le long terme, vers le bout et s’il y aurait une seule chose à encourager dans la pratique soignante c’est bel et bien la confiance à créer entre la personne et les soignants.

Quand une personne arrive en EHPAD, elle y emmène sa vie, toute entière, avec ses vérités, ses parts d’ombre aussi. Le soignant doit alors l’accueillir, sans jugement aucun, lui montrer qu’il est là pour elle. Non, plutôt qu’il est là avec elle, pleinement.

Les soins d’hygiène sont parfois des moments compliqués à gérer, le soin relève de l’intime et nombres de facteurs peuvent intervenir pour perturber ce moment. Démence, évènements antérieurs, traumatismes, pudeur ou encore, malheureusement, la brutale froideur du soignant. Il faut s’adapter à chaque situation:

Lorsqu’un e personne porte une démence, le rapport au temps se voit modifié, altéré et les conventions sociales volent en éclats. Parfois il fait accepter, pour le soignant j’entends, que ce n’est simplement pas le moment. La personne peut être perturbée au moment du soin, dans le refus. Oui cela peut être gênant, pour elle comme pour autrui, or il est important de prendre ce temps pour faire le bon choix, adapté à la personne, la respectant.

Par la suite, et même si les fonctions cognitives sont perturbées, la personne tissera peu à peu une relation de confiance avec les soignants.
J’ai en exemple un homme anxieux, portant une lourde démence, qui souvent refusait le soin. Vêtements souillés, odeur peu attirante oui, mais il savait que dès qu’il le souhaitait, que ce soit à 7h comme à 21h, lors d’un repas ou pendant une pause, le soignant était là. Avec douceur, sur le long terme, la confiance permet de soigner sans brusquer, soigner sans heurter. Et là où la violence, des deux côtés, nécessitait d’être à plusieurs soignants pour les soins d’hygiène, cet homme s’est vu offrir des temps en face à face. Des temps où il était acteur, vivant.

Le soignant est un phare dans la nébuleuse réalité du résident, aussi disponible que possible, toujours calme, ayant la juste distance.

Mais enfin, pourquoi vous m’appelez toujours mamie ? Parce que tu me rassures, comme une mamie

Parfois il faut accepter également le non-faire, le laisser-faire, les soignants ayant tendance à naturellement faire à la place de, par manque de temps, de connaissance, de confiance peut-être. J’ai en mémoire une femme, au lourd passé, ayant du mal avec le fait de se laver, qu’on entre dans sa sphère intime. Il aura fallu travailler sans relâche sur une année entière. Commençant par des douches uniquement le samedi lorsque son mari venait la voir puis petit à petit la personne a commencé d’elle-même à venir chercher les soignants pour changer les vêtements, la protection. Allant même par la suite à accepter de porter à nouveau des jupes, de se laisser peigner, manucurer.
Cette histoire malheureusement se termine sur une fausse note, quelques soins forcés, et donc brutaux et traumatiques, auront rompu toute confiance, toute once de vie restante chez cette personne, qui se laissera longuement dépérir, refusant toute interventions… Une erreur, une personne, et tout était perdu.

La confiance, le respect, prendre le temps de faire, ne pas faire, différemment, bizarrement parfois. En chantant, succinctement, fragmenté ou différé, tout est bon pour créer ce lien si précieux. Puis il faut l’entretenir, le tendre toujours un peu plus, savoir accepter et analyser les changements de comportements.

La confiance se tisse aussi au sein d’une équipe soignante, aux valeurs multiples, il faut composer, discuter pour que tous s’y retrouvent, pour que le résident puisse avoir un soin uniforme, respectueux.

Ayez confiance, ça ne coûte rien et ça rapporte tant.

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